Va pour le Robert, qui indique que Charlatan est un mot italien du XVIe siècle, croisement de cerratano « habitant de Cerreto » (village réputé pour les drogues que ses habitants vendaient sur les marchés), et de ciarlare « parler avec emphase ». En résumé, les premiers charlatans étaient tout simplement des vendeurs de remèdes médicinaux, remèdes qu’ils savaient présenter avec un sens aigu du commerce.
Si les gitans ont sans doute un savoir et un don méritant ce titre, ne trouvez-vous pas que la définition sied également à merveille aux marchands ambulants de drogues modernes que l’on nomme aujourd’hui les « visiteurs médicaux » ? S’ensuit un savoureux paradoxe, qui est que les médecins sont certainement, de nos jours, les premiers clients des charlatans !
Si le charlatanisme est l’art de vendre un médicament avec emphase, il est finalement regrettable que les médecins n’aient pas parfois eux-mêmes l’âme plus charlatanesque. Au lieu de nourrir le doute en donnant des traitements en aveugle -terme qui sonne toujours à mes oreilles comme un étrange aveu-, n’auraient-ils pas avantage à mettre de leur côté la valeur psychosomatique ajoutée aux traitements -le fameux « effet placebo »-, dont on sait qu’elle représente au bas mot 30% de toute action thérapeutique, et peut aller bien au-delà ? Car l’être humain –les habitants de Cerreto l’avaient déjà compris- est loin d’avoir la rationalité que la science prête à ses maladies. Une médecine qui n’a plus le temps d’écouter ni de parler à ses patients, est une médecine qui manque peut-être de charlatans…
Patrick Shan
Note : [1]La médecine secrète des gens du voyage, Pierre Derlon, Ed. Robert Laffont, coll. Les énigmes de l’univers, 1978