Préparation des hôpitaux à une deuxième vague du Covid-19
Préparation des hôpitaux à une deuxième vague du Covid-19 : "Nous n'avons pas tiré les leçons de la crise" Par Célia Cuordifede Publié le 18/08/2020 à 19:34
 
 
 
Alors que le nombre de contaminations augmente ces derniers jours, les personnels soignants de l'hôpital public se préparent à une éventuelle deuxième vague. S'ils estiment être mieux équipés et organisés qu'à l'hiver dernier, ils appréhendent le manque d'effectif et la fatigue, à la fois physique et psychologique.
 
François Braun donne le ton, sans ambages : il a le sentiment que l'hôpital a retrouvé ses vieux démons. Les sous-effectifs, le manque de lits, une administration sourde aux revendications des soignants. Bref un retour à l'austérité. "Sur le plan des protocoles et du matériel nous sommes sans doute prêts à faire face à une deuxième vague. Mais nous ne tiendrons pas longtemps si l'hôpital continue de fonctionner comme avant la crise", estime le chef du pôle urgences au CHR de Metz-Thionville, aussi président du syndicat Amuf (urgences de France).
 
Dans un avis rendu au gouvernement début août, le conseil scientifique juge l'arrivée d'une deuxième vague de Covid-19 "hautement probable". Ces derniers jours, les indicateurs permettant de jauger le taux de transmission du virus ont d'ailleurs atteint des records. 2.000 nouveaux cas sont détectés chaque jour depuis une semaine, contre quelques centaines mi-juillet. Des indicateurs préoccupants qui ont poussé le Premier ministre, Jean Castex, à annoncer quelques mesures renfort concernant l'application des gestes barrières lors de sa visite au CHU de Montpellier le mardi 11 août. "Je le dis avec une forme de gravité : si nous ne réagissons pas collectivement, nous nous exposons à un risque élevé de reprise épidémique qui sera difficile à contrôler", a-t-il déclaré. Après avoir échangé avec des soignants et fait la tournée des services, l'édile a également fait part de son inquiétude de voir un système de santé de nouveau "sous tension".
 
 
"Maltraités" et "démoralisés"
Une inquiétude largement partagée par les soignants hexagonaux, à commencer par Eléonore*, infirmière aux urgences du CHU de Grenoble. "Lors de la première vague, nous avons tenu bon en grande partie parce que tous les autres services se sont arrêtés de fonctionner pour prendre en charge les patients Covid", rappelle-t-elle. "Mais demain, aura-t-on ces mêmes possibilités, sachant que les patients non Covid dont les opérations ont été repoussées sont parfois devenus plus malades qu'ils ne l'étaient ?". Dans son hôpital, il existe toujours un "circuit Covid" ainsi qu'un "circuit non Covid", afin de limiter les contaminations. Mais aussi parce que les patients positifs au coronavirus n'ont pas cessé de se présenter, avec une moindre affluence.
 
Pendant la crise, à Grenoble comme partout en France, de nombreux étudiants, des retraités mais aussi toute une flopée de personnes d'ordinaire en indisponibilité ont été rappelées pour prêter main forte aux personnels hospitaliers. "C'est aussi grâce à eux que l'hôpital a tenu", ajoute Eléonore. "Néanmoins, s'il y avait une deuxième vague, je crois que la plupart ne reviendraient pas. Trop maltraités par les institutions et, de fait, démoralisés", estime-t-elle. La jeune femme se dit tout de même moins inquiète qu'en mars et avril, face à un virus que l'on "connaît déjà plus ou moins".
 
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Nécessité de réorganiser l'hôpital
A Valence, Mélanie Chambre, infirmière et membre du collectif inter urgences, qui a vu ces derniers jours des cas graves de Covid revenir à l'hôpital, reconnaît elle aussi être moins effrayée. "Je pense que l'on sera opérationnel plus rapidement. Tout dépend de l'échelle à laquelle nous sommes touchés". En cas d'affluence, l'unité Covid est restée ouverte, et les protocoles seront moins longs à mettre en place que la première fois. "On est capable d'aller vite, seulement il nous faudra des moyens", insiste-t-elle.
 
"Si on est prêt à affronter une deuxième vague ? Oui et non", répond pour sa part le chef de pôle des urgences de Metz Thionville, François Braun. "Aujourd'hui, on ne s'intéresse plus qu'au nombre de masques et de tests. Or, c'est l'arbre qui cache la forêt", poursuit-il. Le plus important est, selon lui, de réorganiser en profondeur l'hôpital, recru de fatigue, usé d'avoir lutté jusqu'ici. "Nous n'avons pas tiré les leçons de la crise. Nous n'avons pas plus de lits, ni d'effectifs. Nous avons également perdu la gestion médicale de l'hôpital que nous avions instauré, où l'on soignait les gens avec des moyens et non en fonction des moyens. Et l'hôpital en revient aux questions de profit, à la comptabilité", énonce le messin. Il regrette le fonctionnement acquis lors du pic épidémique où la direction écoutait les médecins de terrain. "Une chose est sûre, si l'on continue comme ça, les équipes ne tiendront pas".
 
Même constat du côté de Christophe Prudhomme, praticien à l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), pour qui, deuxième vague ou non, "il va falloir que l'on apprenne à vivre avec, mais il faut une réorganisation de l'hôpital en prime". Dans son établissement de région parisienne, les cas de Covid ont effectivement augmenté ces dernières semaines. Et même si la situation de saturation et de sidération n'est pas la même qu'au tout début de l'épidémie cet hiver, le praticien craint pour ses équipes. "Les soignants sont fatigués, tant physiquement que psychologiquement, ils ne peuvent plus travailler dans ces conditions", souligne-t-il. Déjà épuisés, avant même l'arrivée d'une potentielle deuxième vague.
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