Sur Facebook, plusieurs groupes affichent dès leur intitulé une position ferme contre une éventuelle distribution généralisée. Le plus gros d'entre eux, "Non Au Vaccin Covid19", compte un peu plus de 1.100 membres. En leur sein, ainsi que sur d'autres pages opposées plus globalement à la vaccination, des internautes vilipendent les recherches en cours, appuyant leurs saillies sur des articles de médias alternatifs et des vidéos. Tout en critiquant plus largement les mensonges supposés des autorités sur la pandémie. Ces groupes font d'ailleurs l'objet de précautions de la plateforme : au moment de cliquer sur le bouton "Rejoindre", une fenêtre s'ouvre pour suggérer "d'apprendre pourquoi l'OMS recommande la vaccination".
Pourquoi une telle défiance ? Les internautes que nous avons interrogés nient d'abord l'utilité du futur sérum. Notamment parce que son développement serait trop rapide : "Il faut toujours un certain nombre d'années pour développer un vaccin. Même s'il n'arrive qu'en 2021 ce serait trop tôt, les chercheurs n'auraient pas assez de recul", argumente Aurélia, une mère célibataire de 39 ans. Le Covid ne se prêterait de toute façon pas à la vaccination. "J'ai écouté notamment les exposés du professeur Raoult, et ce type de virus n'est pas sujet à ce qu'il y ait un vaccin tout de suite", assure Pascal, un ancien ouvrier de 60 ans en situation d'invalidité. L'infectiologue marseillais, dont le nom revient fréquemment dans les propos des anti-vaccins, avait affirmé en mai auprès de Paris Match que "trouver un vaccin pour une maladie qui n’est pas immunisante" était "un défi idiot". Le scientifique s'est toutefois montré plus modéré dans un entretien avec le Parisien en juin, estimant "improbable qu'un vaccin soit disponible", sans "[dire] que cela n'arrivera pas".
Pire, le futur vaccin s'intégrerait en fait dans un vaste complot, à en croire nos interlocuteurs. "Je pense que ce virus est une manipulation humaine, justement dans le but de vacciner les gens, et que ce vaccin est prêt depuis longtemps", affirme Aurélia. Plusieurs versions existent sur les finalités de cette opération. "Est-ce que le vaccin va comporter des nanoparticules activées avec la 5G ? Beaucoup de gens ont cette théorie", poursuit cette salariée d'une entreprise du Cac 40. De nombreuses publications Facebook parlent du supposé rôle de Bill Gates, le milliardaire étant une cible traditionnelle des anti-vaccins. "Il voudrait dépeupler la planète, avec un vaccin qui rendrait les femmes stériles", explique encore Aurélia. Une autre hypothèse répandue évoque l'implantation d'une puce électronique, qui permettrait de suivre ses porteurs à la trace. "Ce serait une sorte de carnet de vaccination électronique sous votre peau, afin de suivre si les vaccins ont été effectués. Cela fait partie de leur plan", assure Catherine, une Belge de 43 ans.
"Ma santé n'a pas de prix !"
Parmi les personnes questionnées, toutes sont persuadées que les autorités rendront le vaccin obligatoire, afin de servir au mieux ces sombres desseins. "Quiconque ne le fera pas se verra enlever ses enfants. Et ne pourra plus accéder aux lieux publics, aux cafés, aux centres commerciaux", s'alarme Tim, un ancien informaticien de 46 ans, actuellement au chômage. Pour autant, nos empêcheurs de vacciner en rond ne comptent pas se laisser faire. "Hors de question qu'on m'injecte ce truc ! Ma santé n'a pas de prix et celle de mes enfants encore moins !", lance Aurélia, qui élève seule ses filles âgées de 16 et 12 ans. Certains se disent prêts à tout pour échapper à la piqûre. "Je préfère encore vivre dans une caravane comme une moins que rien, participer à un suicide collectif, ou mourir en me battant contre celui qui voudra m'injecter cette saloperie !", assène Catherine.
En plus du cas du Covid, ceux que nous avons interrogé doutent de longue date de l'efficacité des vaccins, ou s'inquiètent de leur dangerosité. "J'ai vacciné ma fille, mais seulement parce que c'était obligatoire pour qu'elle rentre à l'école, raconte Ophélia, qui élève sa fille âgée de quatre ans à Reims. Mon médecin me mettait la pression pour que la fasse davantage vacciner, alors j'ai arrêté de l'y emmener. Maintenant je la fais soigner par un homéopathe". A en croire Tim, le contexte aurait aussi rendu sceptique des personnes qui ne doutaient pas des vaccins auparavant : "Il y a énormément de gens qui à la base ne sont pas 'antivax', mais qui ont un mouvement de recul très net sur ce point du vaccin contre le Covid. Ils voient qu'il y a une couille dans le potage", souligne le quadragénaire, qui lie cette prise de conscience avec le discours incohérent des autorités sur la pandémie.
Cette animosité contre les vaccins n'est pas nouvelle en France. Le niveau de défiance y serait même un des plus forts au monde, à en croire une étude internationale publiée en juin 2019 : 33% des Français y affirment douter de la sûreté des vaccins, une proportion supérieure à celle de tous les autres Etats. Le pays de Pasteur s'y classait aussi sur le podium des nations qui contestent le plus leur efficacité (19% des Français répondent en ce sens), et l'importance de les inoculer aux enfants (10%). Ces réticences persistantes ont conduit le gouvernement à élargir la liste des vaccins obligatoires pour les enfants, passée de 3 à 11 maladies couvertes en 2018. "La France a des taux de couverture vaccinale meilleurs que les autres pays pour les vaccins obligatoires", mais "ils sont très insuffisants pour la plupart des vaccins recommandés", souligne le ministère de la Santé. Et ce malgré le consensus scientifique sur leur rôle crucial dans la lutte contre les maladies infectieuses, tout comme le faible risque d'effets secondaires.
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Les citoyens qui mettent en doute l’intérêt médical actuel réel du masque, des tests et du traçage sont qualifiées d’irresponsables qui menaceraient la santé publique et favoriseraient une deuxième vague. Là, c’est le comportement des personnes qui ont massivement fêté le retour d’un peu de liberté et la musique que l’on criminalise, alors qu’aucune augmentation des malades n’a été constaté depuis ces évènements festifs. Dans le même temps, les médias ne se sont guère ému des milliers de manifestants qui ont envahi à la même période les rues des grandes villes pour protester contre le racisme, ni des consommateurs qui ont couru les soldes, sitôt les centres commerciaux réouverts.
Dans les rangs des politiques et des journalistes, personne ne semble s’étonner du changement majeur de l’objectif des mesures imposées passant d’ « aplatir la courbe », à « éradiquer Sars-Cov-2 », une entreprise qu’aucun scientifique ne peut juger crédible.
Cette hypothèse se trouve également crédibilisée par la similitude de cette propagande illogique des gouvernants dans de nombreux pays que la maladie a déserté comme la Suisse ou le Canada.
En démocratie, c’est le peuple qui doit gouverner
Il y a lieu de s’interroger sur la place grandissante que s’arrogent les membres du comité scientifique et l’exécutif. Rappelons que ce groupe d’experts trop liés aux entreprises du médicament est de conseiller le président et le conseil de défense en s’appuyant sur ses connaissances scientifiques. Non de gouverner à la place des autorités élues, ni de torpiller leurs décisions en lançant des mises en garde à la population. Pourtant, c’est bien ce que ces chercheurs ont fait en imposant des restrictions stupides sans justification sanitaire réelle, compliquant considérablement la réouverture des écoles voulue par le président. Cette manière d’autoriser un groupe d’experts non élus, peu compétents en médecine clinique et dont les membres ont été recrutés en fonction de critères opaques témoigne d’une méconnaissance et d’un mépris des institutions démocratiques pour le moins ahurissants qui fait douter une fois encore de la capacité des médias à nourrir le débat démocratique.