ESCROQUERIE SANITAIRE ?
Coronavirus : le confinement a-t-il été « l’escroquerie sanitaire du XXIe siècle » ? Une préétude citée par le site CovidInfos.net dresse un bilan catastrophique de la politique française. En tombant parfois dans la caricature. Par William Audureau Publié le 08 juillet 2020 à 13h26 - Mis à jour le 09 juillet 2020 à 07h01
 
 
 
Le site Covidinfos.net, spécialisé dans les contenus farouchement anticonfinement, s’est fait l’écho au début de juin d’une étude particulièrement critique. A l’image de son titre choc : « “Le confinement est véritablement l’escroquerie sanitaire du XXIe siècle”, selon une étude qui souligne la responsabilité de l’OMS. » En ligne de mire, « les coûts disproportionnés du confinement en termes sociaux, économiques et humains ». 
 
Le texte n’est qu’un article de recherche qui n’a pas encore été validé par la communauté scientifique. Fait inhabituel, son auteur, Mohamed Sofiane Zelmat, ne mentionne pas son université de rattachement. Il n’est ni épidémiologiste ni spécialiste du Covid-19, et n’avait jusqu’alors signé qu’un article paru en 2015 sur les appareils de mesure utilisés en biochimie médicale. Un mois après sa mise en ligne sur le site SSRN, où les publications ne sont pas validées, l’article a pourtant dépassé le million de partages et continue de tourner.
 
Le confinement serait une première
Ce que dit l’article :
 
« En médecine : le confinement n’existe pas. Il n’existe pas en infectiologie, en épidémiologie ou en santé publique. Il est d’ailleurs inédit dans l’histoire de la médecine et de l’humanité ! »
 
A NUANCER
En effet, il n’existe pas d’équivalent en ampleur au confinement qu’ont connu la France et de nombreux pays du monde en 2020. Mais des mesures de distanciation existent depuis longtemps.
 
 
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, « des lieux spécifiques, baptisés lazarets, sont construits 
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, « des lieux spécifiques, baptisés lazarets, sont construits pour accueillir les mis en quarantaine, relate l’historien de la santé Patrice Bourdelais dans le mensuel Capital. Et l’on installe des cordons sanitaires afin de boucler les zones infestées ou de protéger celles qui sont encore indemnes. Ordre est donné aux soldats de tirer à vue sur ceux qui tenteraient de les franchir ».
 
En 1918-1919, face à la grippe dite espagnole, la France avait déjà invité les préfets à prendre des mesures d’hygiène locales contre la propagation de l’épidémie, comme la fermeture des écoles et des théâtres, les mesures contre les rassemblements et la désinfection des transports.
 
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Au printemps 2003, au plus fort de l’épidémie de SRAS, un immeuble de Hongkong avait été placé en quarantaine, de nombreuses entreprises avaient instauré le télétravail et la plupart des vols avaient été annulés. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parlait de « mesures de confinement ».
 
Le confinement ne servirait à rien
Ce que dit l’article :
 
« Rien ne prouve que la Chine ait “aplani” la courbe épidémique grâce au confinement. »
 
TRÈS CONTESTABLE
Les chiffres chinois sont sujets à caution, et il est en effet difficile d’établir des liens de causalité. L’utilité du confinement ne fait toutefois pas vraiment débat chez les épidémiologistes. « En France, le nombre de nouveaux cas a commencé à baisser à partir du 1er avril, soit à peu près quatorze jours après la mise en place du confinement », observe Pierrick Tranouez, ingénieur de recherche à l’université de Rouen Normandie, contributeur au site CoVprehension.
 
« Il n’est pas inattendu qu’après deux mois de confinement généralisé, la chaîne de transmission soit ralentie », corrobore l’ancien directeur général de la santé William Dab. La mise sous cloche de la société aurait fait chuter la circulation du virus de 82 %, selon les modèles de l’Imperial College de Londres. Et le nombre de personnes contaminées par chaque malade (le « R0 ») est descendu de 2,8 à 0,7 entre le 15 mars et le 31 mai, selon les chiffres de l’Académie de médecine.
 
Pascal Crépey, professeur à l’Ecole des hautes études en santé publique, a dirigé en avril une étude qui estimait à 60 000 le nombre de vies sauvées en un mois par le confinement, des chiffres qu’il maintient aujourd’hui.
 
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Le confinement aurait un lourd impact économique et social
Ce que dit l’article :
 
« Quels sont les risques, les dangers et les conséquences catastrophiques pendant et après l’enfermement ? Suicides de personnes, (…) développement de pathologies psychiatriques, (…) négligence d’autres maladies (en particulier les maladies chroniques) et augmentation de leur mortalité, augmentation des violences domestiques, pertes économiques, chômage et crise économique majeure (…) »
 
A NUANCER
La crise économique, doublée d’une paupérisation des plus pauvres et d’un aggravation des inégalités hommes-femmes, est incontestable. Le chômage a bondi et un recul historique du PIB fera de la France, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’un des pays les plus touchés au monde.
 
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Sur le front de la santé, l’Académie de médecine a alerté dès le mois de mai sur « le manque d’accès aux soins préventifs et/ou aux traitements des maladies chroniques ». D’après ses calculs, durant le confinement, 85 % des 7,2 millions d’interventions chirurgicales programmées chaque année en France ont été reportées. « C’est certain que le confinement, au-delà du coût économique, a un coût sanitaire », admet Pascal Crépey. Il faut toutefois intégrer le nombre de morts sur la route, qui a atteint en avril son plus-bas historique, ou encore la baisse de la pollution de l’air, qui aurait empêché 1 230 morts en France.
 
Le coût psychologique est difficile à évaluer. Au Royaume-Uni, les médecins ont alerté sur une « épidémie de solitude ». Des dizaines de personnes âgées isolées ont été retrouvées mortes seules chez elles. « Clairement, il y aura des effets négatifs, avec des gens fragiles qui vont se sentir mal, mais dresser un tableau catastrophiste d’une population entière prête à se suicider, cela ne correspond pas à la réalité », nuance Anne Giersch, psychiatre et directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à Strasbourg, qui a suivi 130 personnes durant le confinement.
 
Côté sociétal, les signalements de violences conjugales sur la plate-forme gouvernementale ont été multipliés par 5 par rapport à la moyenne. Au niveau européen, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a évoqué une hausse de 60 % des signalements. Les appels au 119, le numéro pour les enfants maltraités, ont bondi de 80 % durant les premières semaines. En dehors des violences familiales, les chiffres de la criminalité ont accusé une baisse historique en avril, avec un nombre d’homicides, de vols avec armes, de violences et de viols divisés par quatre, et de cambriolages divisé par dix.
 
Le rapport bénéfices/risques serait défavorable au confinement
Ce que dit l’article :
 
« Après avoir exposé tous les dangers de l’enfermement, il est clair que l’équilibre bénéfices/risques est extrêmement et dangereusement défavorable (…) »
 
C’EST PLUS COMPLIQUÉ
Aucun expert interrogé par Le Monde ne s’est risqué à évaluer la pertinence du confinement en général, la faute à la grande variété des situations. « Les confinements sont polymorphes, souligne Pierrick Tranouez. Cela recouvre plein de mesures différentes, et je ne connais aucun pays qui n’a pris aucune mesure. »
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